Les araignées sont souvent mal-aimées et craintes par le grand public, mais elles sont pourtant essentielles pour le bon fonctionnement des écosystèmes. Elles participent à la régulation des populations d'insectes. Elles sont aussi de précieux indicateurs de la qualité des milieux naturels, car elles sont sensibles aux changements environnementaux. Malheureusement, ces animaux fascinants sont aujourd'hui menacés par de nombreuses pressions anthropiques, qui mettent en péril leur diversité et leur survie.
Une première liste rouge des araignées menacées en France
Pour la première fois, un état des lieux complet a été réalisé sur les araignées de France métropolitaine, dans le cadre de la Liste rouge des espèces menacées en France. Ce travail a été mené par le Comité français de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l'Office français de la biodiversité (OFB) et le Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN), avec l'expertise et la mobilisation du réseau de l'Association française d'arachnologie (AsFrA) et l'appui technique du laboratoire TREE (Université de Pau-CNRS).
Les résultats, publiés le 5 avril 2023, sont alarmants : sur les 1622 espèces d'araignées natives recensées en France métropolitaine, 170 sont menacées sur notre territoire, soit plus de 10 % du total. Parmi elles, 18 sont classées \"En danger critique d'extinction\", 32 \"En danger\" et 120 \"Vulnérables\". De plus, 101 espèces sont proches de l'être et se trouvent quasi menacées. A l'inverse, seulement 1021 espèces sont considérées comme de préoccupation mineure et 330 comme non évaluables, faute de données suffisantes.
La France métropolitaine abrite une grande diversité d'araignées, avec 127 espèces endémiques, qui n'existent nulle part ailleurs au monde. Ces espèces sont particulièrement vulnérables à la disparition de leurs habitats spécifiques. Par exemple, la Tégénaire rouillée (Tegenaria ferruginea), qui vit dans les cavités souterraines des Pyrénées, est classée \"En danger\".
Les principales menaces qui pèsent sur les araignées
Les araignées sont confrontées à de multiples pressions liées aux activités humaines, qui ont des effets souvent cumulés sur leur survie. La principale menace est la dégradation et la destruction des habitats naturels, qui entraînent une perte de diversité et une fragmentation des populations.
Les espèces de prairies ouvertes sont notamment affectées par l'artificialisation croissante liée aux constructions et aux aménagements, comme la Cyclosa insulaire (Cyclosa insulana), classée \"Vulnérable\", qui fréquente les pelouses sèches méditerranéennes.
Les espèces forestières pâtissent de l'exploitation du bois et de la sylviculture intensive, qui tendent à faire disparaître les vieux arbres, les bois morts et les litières. Ces éléments constituent des habitats importants pour de nombreuses araignées, comme l'Araignée-loup (Pardosa amentata), classée \"En danger\".
Les espèces inféodées aux milieux humides subissent l'urbanisation, qui entraîne la disparition d'habitats sensibles avec le comblement de zones humides ou l'aménagement des berges. Elles subissent aussi les modifications du régime hydrique causées par le drainage ou l'assèchement à des fins agricoles. C'est le cas de la Dolomède des roseaux (Dolomedes plantarius), classée \"En danger\", qui vit dans les marais et les tourbières.
Des actions de conservation à mettre en place
Face à ce constat préoccupant, il est urgent de mettre en place des actions de conservation pour protéger les araignées et leurs habitats. Aucune araignée ne fait à ce jour l'objet d'un programme de conservation dédié ou de mesures de protection spécifiques en France. Seules quelques espèces sont protégées au niveau européen, comme la Mygale du Luberon (Nemesia nemesioides), classée \"En danger critique d'extinction\", qui bénéficie d'un plan national d'actions.
Les experts appellent à renforcer la connaissance sur les araignées, notamment sur les espèces dont le statut est incertain faute de données suffisantes. Ils recommandent aussi de préserver et restaurer les habitats naturels, en favorisant une gestion durable des espaces agricoles et forestiers, en limitant l'artificialisation des sols et en réhabilitant les zones humides. Ils soulignent également la nécessité de réduire les pollutions chimiques et lumineuses, qui affectent directement ou indirectement les araignées et leurs proies.
Enfin, ils invitent à sensibiliser le grand public et les acteurs locaux à l'importance des araignées pour la biodiversité et le bien-être humain. Les araignées sont souvent victimes de préjugés négatifs et de peurs irrationnelles, qui les conduisent à être chassées et écrasées. Or, aucune araignée présente en France métropolitaine n'est dangereuse pour l'homme. Au contraire, elles sont des alliées précieuses pour lutter contre les insectes nuisibles, comme les moustiques ou les pucerons.
Les araignées sont donc des animaux à respecter et à protéger, car elles contribuent à l'équilibre des écosystèmes et à la richesse du patrimoine naturel français.